vendredi 11 mars 2022

Seung-Hwan OH et Isabelle Dehay REVANESCENCES 2 artistes photographes portraitistes atypiques



 DU 5 MARS AU 24 AVRIL


 Seung-Hwan OH

 

Une image est « une surface signifiante sur laquelle apparaissent des éléments, lignes, couleurs, formes diverses, qui entretiennent des relations ne relevant pas de la logique verbale et textuelle, mais d’une dimension « magique ». Cependant que se passe-t-il lorsque cet ensemble de signes tend à disparaître ? En effet, dans le travail photographique de Seung-Hwan Oh, le visible s’efface. Ce qui compose la matérialité de l’image est en fait attaqué, rongé au niveau même de la pellicule.

 

À une époque où la création des images est simplifiée et leur présence amplifiée, Seung-Hwan Oh les maltraite comme s’il voulait les rendre malades. Ou révéler la maladie dont elles sont porteuses.

Pour cela, tel un microbiologiste, il développe un champignon, ou plutôt une bactérie qu’il dépose sur le film photographique. Ce procédé, après plusieurs mois, dévore lentement la pellicule. Au tirage, l’image n’est plus seulement ce qui apparaît sur la surface mais aussi ce qui s’efface, ce qui disparaît, révélant une sorte d’assèchement et de tarissement de l’image.

 

La poésie de la démarche Seung-Hwan Oh et de ses images résident dans cet aléatoire, cette incertitude quant au résultat de ce désordre qu’il a cultivé. Cela donne une vulnérabilité, voire une fragilité à ses portraits. Car sur l’image, avant qu’elle ne soit livrée aux bactéries, il y a des visages.

 

Pour Seung-Hwan Oh, le portrait relève moins du narcissisme que d’une crainte face au risque de la disparition de l’homme. À la manière des vanités européennes des XVII et XVIIIème siècle, il propose, avec finesse, une méditation sur le caractère éphémère et vain de la nature humaine. Telles des « natures mortes » les portraits réalisés pour cette exposition expriment ce rapport à la mort avec les visages qui disparaissent et laissent place à une traînée de couleur informelle.

 

L’image photographique en tant que représentation d’une chose, n’est pas cette chose dans sa totalité, de sorte que, ce que nous sommes amenés à voir, par ce processus de distanciation et sacralisation passant par l’objectif, ne serait qu’un débris, un fragment de la réalité.

 

Ce thème de réflexion est au cœur du travail de Seung-Hwan Oh. Avec Impermanence, par la décomposition de la pellicule, il s’affranchit du caractère magique, religieux et sacré, dont se charge l’image, pour nous rappeler la condition universellement précaire de l’homme, mais aussi de ce qui  l’entoure.

 


Isabelle Dehay