L'Espace Ducros propose une Exposition hommage à RAYMONDE GODIN présentant une rétrospective de ses œuvres "La vie tout en couleur"
Ce que donne à voir Raymonde Godin vous saute au visage. C’est dire combien sa peinture se définit par sa frontalité.
Résolument abstraites, certaines des compositions sont chargées de motifs dont les variations (forme et couleur) et la régularité rythmique revêtent le caractère de suites musicales. D’autres compositions, au contraire, sont sillonnées d’enchevêtrements, parfois dépouillés, parfois très touffus, qui évoquent des paysages où prédominent branches, buissons, taillis, fourrés, clairières…
Que l’on comprenne bien ici que la peinture de Raymonde Godin, sous prétexte qu’elle suggère une certaine musicalité ou encore quelques vues forestières, ne se donne pas pour autant comme une peinture de représentation. Cette peinture se range dans la catégorie de l’abstraction gestuelle, abstraction souvent lyrique. Dans ce registre, contrairement, par exemple, à certains de ses illustres confrères (Riopelle, Pollock, McEwen), qui, comme elle, pourraient se réclamer de l’école de la frontalité, Raymonde Godin sature rarement ses feuilles de papier ou ses toiles d’empâtements de couleurs. Elle perce des ouvertures et le pourtour demeure libre.
Elle se montre évidemment sensible à l’environnement qu’elle retrouve chaque fois. Il n’est donc pas exagéré d’estimer que sa peinture en témoigne. Toute abstraite qu’elle soit, rien n’empêche d’y distinguer l’épaisseur d’une forêt, le désordre d’un bouquet d’arbres, l’opiniâtre résistance d’herbes rebelles, la pente d’une colline, les clartés diffuses de clairières, des rais de lumière qu’agite le souffle têtu d’une brise, des éclats de soleil, les éclaboussures d’une rivière agitée ou les eaux calmes d’un étang. Ainsi, Raymonde Godin peut très légitimement écrire : « Peindre recrée aussi la terre natale. »
Sa peinture terrienne a pour contrepoids la légèreté aquatique bien que tourmentée de ses encres et de ses aquarelles. Les compositions, cette fois, sont porteuses de jeux d’écriture. Les lignes où des signes calligraphiques se précipitent côte à côte puis les uns au-dessous des autres forment des ensembles qui rappellent des paragraphes où dansent ou bien où s’agitent des idéogrammes. Ils sont suffisamment espacés pour ne pas manquer d’air, mais c’est l’œil qui respire et qui se fraye des passages ; c’est l’œil qui vagabonde. Comme l’artiste. Au gré de ses promenades scripturales, elle brosse ou griffe la page. Alors saillent, hirsutes souvent, des touffes d’herbes plus folles que rétives. La terre chez Raymonde Godin n’est jamais très loin.